Avec joie, avec art

Pour se souvenir de leur cousine Japreet

Par Dana Ewachow

JoyArt

« C’était une enfant heureuse. Elle aimait l’art », dit Gagan Grewal, en faisant un geste vers un tableau encadré représentant une plume qu’a fait sa petite cousine Japreet.

Je suis assise sur le canapé en face de Gagan, dans son séjour. Les parents de Japreet habitent à côté. « Sa chambre est restée sa chambre », dit-elle, confessant qu’ils n’y ont rien changé. La vie de la famille est incomplète, dit-elle, et c’est le sentiment que j’ai sur mon canapé. Cela s’entend dans la voix de Gagan, cela se voit dans les photos posées sur les tables. La douleur est palpable dans la maison. « Quand il manque un morceau, on ne peut pas réussir le casse-tête », me dit-elle.

La maladie de Japreet a été un mystère complet pour sa cousine. Dans une famille où il n’y avait jamais eu de problème de santé grave, la maladie de Japreet a été quelque chose d’étrange et d’effrayant. À l’âge de huit ans, elle avait de fortes fièvres trois ou quatre fois par an. Elle a attrapé une pneumonie et a commencé à aller régulièrement à SickKids. Elle a vu le Dr Chaim Roifman et ils ont découvert chez elle une mutation de STAT1, une immunodéficience primaire. « Nous n’avons pas du tout pensé que c’était si grave », dit Gagan.

En mars, Japreet est retournée à SickKids après avoir eu un zona. STAT1 attaquait ses principaux organes. Des analyses de sang ont montré qu’elle n’avait pas de globules blancs du tout. Un mois plus tard, les médecins ont diagnostiqué une lymphohistiocytose hémophagocytaire (LH). La rareté de sa maladie était sidérante, même le personnel infirmier n’en avait jamais entendu parler. Elle a eu trois crises d’épilepsie à l’hôpital. Les biopsies et les ponctions lombaires sont devenues habituelles. La famille s’est habituée à la terminologie et à la vie de l’hôpital. Elle s’est installée au Manoir Ronald McDonald. Les frères et sœurs de Japreet sont allés habiter avec leurs grands-parents car leurs parents n’étaient jamais chez eux. Puis il est apparu que la seule solution pour que Japreet aille mieux était une greffe de moelle osseuse, même si les docteurs étaient d’avis que ses chances de survivre à l’opération étaient minces. Si la greffe prenait, Japreet resterait sujette aux maladies et ne pourrait peut-être pas avoir d’enfant plus tard. La famille a poussé pour qu’on tente la greffe, prête à tout pour que Japreet aille mieux. Ils ont commencé à chercher un donneur et, au bout de deux ou trois semaines de recherches actives, ils ont trouvé un donneur compatible.

Après une semaine de chimiothérapie intensive, Japreet est revenue à SickKids pour sa greffe. Après l’opération, elle était malade et vomissait sans cesse, et elle a été hospitalisée en soins intensifs où on l’a intubée. Son état de santé s’est détérioré. La LH était revenue et s’attaquait à tout son corps. Les médecins ont dit à la famille que ses organes allaient commencer à lâcher. On a fait venir d’Angleterre un médicament expérimental pour contrôler la LH mais il n’a rien fait.

Son foie a été le premier à lâcher, puis ses reins ont suivi et ensuite son cœur. Le matin du 31 octobre, à 5 h, Japreet est décédée. « Nous donnerions n’importe quoi pour qu’elle soit de nouveau parmi nous », dit Gagan.

La famille, les amis et les compagnons d’école de Japreet honorent sa mémoire de tout leur cœur. Son école organise chaque année une « Journée rose et violette », ses couleurs préférées, en son honneur. Ses professeurs aident souvent la famille, leur préparant de temps à autre des repas. Ses amis apportent des cartes à sa mère et des jouets pour ses frères et sœurs.

Quelques mois après sa mort, Gagan et ses cousins ont décidé d’honorer ensemble sa mémoire. Comme elle était artistique, avec l’aide de Richard Thompson, président d’Immunodéficience Canada, ils ont créé une bourse en arts à la mémoire de Japreet.

Ils ont fini leur première collecte de fonds en juillet dernier et ont collecté plus de 10 000 $. L’an dernier, ils sont revenus au Manoir Ronald McDonald pour la première fois depuis la dernière hospitalisation de Japreet à SickKids pour organiser une soirée-bénéfice pour les familles qui y habitent. Ils ont trouvé cela très difficile émotionnellement mais le dîner a été une réussite. Ils ont une autre collecte de fonds prévue pour le mois de juin ainsi qu’un autre dîner en juillet. L’an dernier, ils ont aussi fait un lâcher de ballons pour elle le 31 octobre. C’est une tradition qu’ils veulent continuer. Autrement, pour continuer de faire vivre le souvenir de Japreet, ils se consacrent à la promotion des arts et de la joie pour les enfants atteints d’IP.

« Ça nous donne espoir, dit Gagan, et cela perpétue l’esprit de Japreet. »