Soutien familial

Julian et sa famille, aux prises avec l’IP

Par Dana Ewachow

julian

Gina me montre un album-souvenir qu’elle a fait sur son fils Julian quand il avait deux ans. Ce n’est pas un album de famille ordinaire : à côté des photos, il y a de longues listes de médicaments. Sur les photos, Julian est adorable et souriant, les joues gonflées par ses réactions aux médicaments. L’album est une commémoration de sa lutte contre l’immunodéficience primaire. C’est pour Julian, qui a maintenant huit ans, que Gina l’a assemblé. « Il a le droit de savoir, dit-elle, de voir par où il est passé et comment il est arrivé jusqu’ici. »

Quand Julian avait 18 mois, on lui a diagnostiqué une maladie immunitaire rare, la granulomatose septique chronique (GSC). Il a été hospitalisé à SickKids où, pendant sept mois, ils a subi une multitude de tests. Au terme d’une rencontre tendue de deux heures avec une équipe de médecins, la décision a été prise de le préparer pour une greffe de moelle osseuse. Sa sœur Alyssa, qui avait alors 7 ans, était une donneuse parfaitement compatible. La famille a eu de la chance car il y a moins de risque de complications liées à un rejet si le donneur est un frère ou une sœur, comparé à un donneur externe à la famille. Le 8 septembre, le jour de la greffe, Gina a donc fait des allers et retours en courant entre le 2e étage où se trouvait Alyssa et le 4e étage où était Julian. Après la greffe, il y a eu quelques péripéties. En 2011, Julian a eu la rougeole bien qu’il ait été vacciné. On lui a diagnostiqué une bronchiolite oblitérante, ou bronchiolite des greffés, un trouble ventilatoire obstructif irréversible. En 2012, on a cru que Julian avait à la langue un plasmocytome, une forme rare de cancer qui nécessite une radiothérapie. Des tests plus poussés au Princess Margaret Hospital ont montré que ce n’était pas le cas. Julian a aussi eu la maladie du greffon contre l’hôte, sous forme de lichen scléreux et est passé tout près d’une colite ulcéreuse. Malgré tout, grâce à la greffe, Julian a un système immunitaire parfaitement fonctionnel sans aide extérieure. Après son troisième anniversaire, il a enfin pu être en contact avec d’autres personnes. Maintenant, il utilise des inhalateurs et il prend du Synthroid pour sa thyroïde, du calcium pour ses os et de la vitamine D. À part cela, sa vie ressemble à celle de tous les autres enfants. « Il déborde d’énergie et peut courir plus vite que les autres gamins. »

Souvent, quand on parle d’enfants malades, on passe sous silence l’expérience des parents. Nous nous concentrons sur les épreuves que ces enfants traversent et qui sont indéniablement éprouvantes et injustes, mais nous parlons moins des épreuves pour ceux qui soutiennent l’enfant. Son frère et sa sœur aînés ont eu du mal à vivre la maladie de Julian. Alyssa pleurait à l’école et Adrian attendait d’être rentré de l’école pour sangloter dans sa chambre. Ils appelaient Gina tous les jours quand elle était à l’hôpital avec Julian. Leur frère et leur maman leur manquaient et ils voulaient qu’ils rentrent à la maison. Toute la famille a eu un soutien psychologique pour tenir le coup. Par la suite, la patience et la force émotionnelle d’Alyssa et Adrian ont été récompensés : Alyssa a reçu des perles et un certificat de courage pour avoir été une donneuse compatible et Adrian a reçu les mêmes récompenses pour avoir bien soutenu son frère.

Pour Gina aussi, l’épreuve a été rude. « J’avais l’impression de me battre toute seule », dit-elle. Elle ne rentrait chez elle que les weekends et ne cessait de donner des nouvelles aux amis et aux parents qui l’appelaient. Il lui arrivait, quand elle avait un instant de libre, d’aller à la chapelle de l’hôpital pour dire à Dieu combien elle était en colère contre lui. « On dit que Dieu nous envoie les épreuves que nous avons la force de surmonter. Je n’avais pas besoin de ça. Julien non plus – il n’avait que deux ans. »

La mère de Gina a pris un congé autorisé pour être avec elle à l’hôpital. Sa belle-mère s’est occupée de la maison pendant les plusieurs semaines que Julian a passé en isolement. Les sœurs de Gina ont beaucoup aidé, surtout quand il fallait distraire Alyssa et Adrian. Même avec le soutien de sa famille, Gina a trouvé l’expérience épuisante. « Vous n’en ressortez pas indemne », dit-elle en évoquant le jour où elle a été hospitalisée pour une crise d’anxiété lorsque Julian passait des tests pour savoir s’il avait un plasmocytome.

Gina et sa famille cherchent toujours comment aider ceux qui les ont soutenus quand elles traversaient un moment difficile. Sa tante, Dana Vena, a toujours organisé des événements caritatifs sur le thème Danser pour les enfants au studio de danse Ciao Bella. Elle collecte ainsi de l’argent pour SickKids. Gina a demandé à Dana d’ajouter Immunodéficience Canada aux bénéficiaires de cette soirée en 2015, en l’honneur de Julian. La famille de Gina a créé un fonds sous l’égide d’Immunodéficience Canada et sa sœur a demandé à ce que, au lieu de lui faire des cadeaux pour son anniversaire, les gens fassent des dons au nom de Julian. Gina et ses enfants organisent des ventes de garage et font don de l’argent gagné à SickKids et, pour Noël, elle a apporté deux sacs de jouets au département d’immunologie de l’hôpital. Gina espère faire plus. Elle essaye actuellement d’organiser une exposition-vente en été pour collecter des fonds pour l’immunologie. Ce n’est encore qu’un projet, dit-elle, mais « ça bouge ».