Qu’est-ce que l’immunodéficience primaire (IP)?
L’immunodéficience primaire désigne un système immunitaire déficient ou complètement absent dès la naissance. Ce n’est pas un problème de santé qui apparaît après la naissance, à la suite d’une infection ou d’un accident. Il s’agit d’une déficience génétique qui est propre à une personne; elle peut affecter une seule cellule, ou diverses parties du système immunitaire à la fois.
Chaque personne est dotée d’un plan directeur qui lui est propre, une carte détaillée avec des millions de petites quantités de données – les gènes. La carte génétique de chaque personne est un mélange des gènes de la mère et du père. Cette carte donne des instructions au corps pour son développement et son entretien. Or, cette carte a quelquefois des défaillances et, quand elle ne parvient pas à développer un système immunitaire fonctionnel, la maladie qui en résulte s’appelle l’immunodéficience primaire (IP). Il y a parfois des antécédents familiaux de cette maladie, mais c’est plutôt rare. Tout dépend comment les gènes des parents se sont combinés pour constituer le plan directeur d’une personne unique et distincte.
L’Organisation mondiale de la santé reconnaît plus de 150 formes différentes d’IP, avec un degré de gravité et des symptômes très différents. Il est crucial d’établir le diagnostic le plus tôt possible, car l’immunodéficience primaire non traitée peut causer des lésions organiques graves, des handicaps physiques et même, dans les cas les plus extrêmes, entraîner la mort.
Environ 13 000 Canadiens souffrent d’IP. Ce nombre peut paraître modeste, mais il faut savoir qu’il est plus élevé que le nombre total combiné de personnes souffrant de leucémie et de lymphome.
Quelles sont les formes les plus courantes d’IP?
La déficience en IgA est la forme d’IP la plus répandue. L’IgA est une immunoglobuline qu’on trouve principalement dans la salive et dans les autres fluides corporels et qui protège les points d’entrée du corps. Les gens atteints d’un déficit d’IgA peuvent souffrir d’allergies, de rhumes, et d’infections respiratoires. Habituellement, ces troubles ne sont pas graves et beaucoup des personnes atteintes ne présentent aucun symptôme. Il semble que les personnes d’ascendance européenne soient les plus affectées. Cette forme d’IP pouvant varier selon les clivages ethniques et raciaux, il existe diverses estimations de sa fréquence, mais on estime qu’en moyenne elle touche une personne sur 600.
Le syndrome de Di George, aussi connu sous le nom de syndrome de « microdélétion 22q11 », est caractérisé par l’absence de thymus, ou par un très petit thymus. Le thymus est la glande qui suscite le mûrissement des cellules T. La plupart des gens qui souffrent du syndrome de Di George finissent quand-même, avec le temps, par avoir une quantité normale de lymphocytes T et B. On estime que cette IP affecte une personne sur 4 000.
L’immunodéficience commune variable (ICV), qu’on appelle aussi « hypogammaglobulinémie », appartient à un groupe de troubles caractérisés par des réponses d’anticorps diminuées. Cette IP se signale par un taux réduit dans le sang de deux immunoglobulines, l’IgG et l’IgA et, dans environ la moitié des cas, d’une troisième, l’IgM. Les gens souffrant d’ICV ne produisent pas des anticorps en quantité suffisante ou suffisamment efficaces, pour combattre les infections bactériennes et virales. Les symptômes les plus communs sont, initialement, des infections récurrentes et tenaces des oreilles (otites), du nez (sinusites), des bronches (bronchites) et des poumons (pneumonies). Des infections graves et potentiellement mortelles sont également possibles, de même que des lésions à certains organes suite à des infections répétées, surtout aux poumons, et des abcès osseux. On estime qu’une personne sur 10 000 est atteinte de cette IP.
L’agammaglobulinémie liée au chromosome X est une IP qui touche les hommes. Il s’agit d’un blocage de la capacité de produire des cellules B. Les symptômes les plus fréquents de cette forme d’IP sont les infections de l’appareil gastro-intestinal, des poumons, de la peau et des voies respiratoires supérieures. On estime que cette IP affecte une personne sur 50 000.
L’immunodéficience combinée sévère (ICS), aussi connue sous le nom de « maladie des enfants bulles », désigne un groupe de troubles immunitaires rares mais très graves, dans lesquels les cellules B et T sont en nombre insuffisant ou ne fonctionnent tout simplement pas. Environ 50 % des nourrissons atteints d’ICS ont des cellules B non-fonctionnelles, ce qui rend impossible, à toutes fins pratiques, la lutte contre les infections. On estime qu’une personne sur 1 000 000 souffre de ce type d’IP.
Comment l’IP est-elle diagnostiquée?
Du fait que les déficiences du système immunitaire peuvent prendre tant de formes différentes, l’IP peut aussi se manifester de plusieurs façons. Il y a certains signes avant-coureurs comme les otites, les pneumonies, les bronchites, les sinusites et les infections cutanées récurrentes.
Pour certains, la première infection sera grave et potentiellement mortelle, et donnera ainsi l’alerte qu’il pourrait y avoir un problème au niveau du système immunitaire. D’autres souffriront d’infections récurrentes depuis la toute première enfance. Toutefois, certains nourrissons atteints d’IP n’ont pas de symptômes les premiers mois, en raison de l’IgA qu’ils reçoivent dans le lait maternel ou des antibiotiques qui traversent le placenta in utero et demeurent dans leur corps jusqu’à l’âge de 4 à 6 mois, l’âge auquel les nourrissons normaux commencent à produire leurs propres anticorps. Dans certains cas, les premiers signes d’alarme ne se manifestent que beaucoup plus tard, parfois pas avant l’âge de 40 ou 50 ans.
Le diagnostic commence avec la compréhension et la reconnaissance des signes d’alarme. Les infections sont-elles plus nombreuses que normal? Est-ce qu’elles reviennent après avoir été traitées avec des médicaments? Est-ce qu’elles résistent aux médicaments habituels? Les infections relatives à l’IP sont différentes pour les adultes et les enfants. Veuillez consulter les tableaux des pages suivantes. On ignore trop souvent l’importance des signes d’alarme, parfois parce qu’ils paraissent plutôt bénins, et chaque infection est alors traitée comme une maladie isolée. Les retards dans le diagnostic et le traitement peuvent souvent entraîner des conséquences néfastes pour la santé, comme le développement d’infections plus graves, de maladies chroniques, voire la mort.
Comment l’IP est-elle traitée?
Un patient souffrant d’IP sera soigné pour toute infection courante avec des antibiotiques spécifiques, des médicaments antiviraux ou des agents antifongiques. Pour certaines IP, des doses faibles ou modérées d’antibiotiques pourront être recommandées pour prévenir les lésions organiques permanentes dues aux infections récurrentes.
Certains patients auront besoin d’un coup de pouce supplémentaire. Ainsi, si un patient ne produit pas d’anticorps ou n’en produit pas assez, on peut y suppléer en lui en injectant. Cette injection peut être administrée par perfusion intraveineuse (immunoglobuline intraveineuse, IgIV) ou sous-cutanée (immunoglobuline sous-cutanée, IgSC).
L’IgIV est habituellement administrée à intervalles de trois ou quatre semaines, tandis que les perfusions d’IgSC sont quotidiennes ou hebdomadaires. L’IgIV et l’IgSC permettent de maintenir les anticorps nécessaires à un niveau constant. Une fois amorcé, ce traitement devra habituellement être poursuivi à vie. L’approvisionnement de ces anticorps est coordonné par la Société canadienne du sang et Héma-Québec. Le plasma contenant les anticorps est séparé du sang puis traité, condensé et préparé pour l’administration de doses individuelles. Les contributions de plus d’un millier de donneurs sont nécessaires pour produire une seule dose.
Dans les cas les plus graves, quand le système immunitaire est complètement non fonctionnel (immunodéficience combinée grave) et dans d’autres cas extrêmes, il faudra parfois recourir à une greffe de moelle osseuse. Cette greffe nécessitant un donneur compatible, cela peut prendre des semaines ou des mois. Pendant qu’il attend la greffe, le patient est parfois placé en isolation inversée et reçoit un traitement préparatoire. Dans certains cas, on utilise la chimiothérapie pour éliminer les éléments restants du système immunitaire non-fonctionnel. Aussitôt qu’on a trouvé un donneur compatible, on effectue la greffe. La nouvelle moelle fournit alors au patient un système immunitaire fonctionnel tout neuf. Dans certains cas, on observe des effets secondaires et des médicaments sont alors nécessaires pour empêcher les cellules nouvellement greffées de s’attaquer au receveur, jusqu’à ce que le patient puisse développer une tolérance suffisante.
Immunisations?
Les personnes qui souffrent d’immunodéficience primaire devraient consulter leur immunologiste avant de recevoir quelque vaccin ou injection que ce soit, car ceux-ci pourraient entraîner des maladies graves, voire la mort. On ne devrait jamais administrer des vaccins vivants aux personnes atteintes d’immunodéficience primaire, en particulier les vaccins suivants :
- le bacille de Calmette et Guérin (BCG)
- le vaccin contre la varicelle
- le vaccin anti-rougeole-oreillons-rubéole (RRO)
- le vaccin anti-poliomyélitique oral (VPO)
- le vaccin anti-rotavirus
- le vaccin anti-tuberculose (TB)
- le vaccin antiamaril